Fondé par Arianna Lelli Mami et Chiara di Pinto en 2006, à Milan, Studiopepe s’est rapidement établit comme incontournable. Depuis 5 ans, les scénographies du duo féminin à la Design Week de milan prescrivent les tendances à venir et les éditeurs les plus branchés s’arrachent leurs services. Mobilier, architecture d’intérieur ou décoration, les Italiennes transforment tout ce qu’elles dessinent en succès commercial. Alors comment envisagent-elles le design et son modèle de promotion après la pandémie ? Entretien.
Quel bureau pour répondre aux nouveaux modes de travail en temps de covid-19 ? C’est la question que le Design Museum de Londres, The American Hardwood Export Council (AHEC) et Benchmark Furniture posaient en 2020 à neuf designers internationaux, parmi lesquels Ini Archibong, Jaime Hayon et Studiopepe, à l’occasion de l’expérience CONNECTED. PINK MOON des italiennes s’inspire de la lune rose au printemps, symbole de nouveau départ, et de Charles Rennie Mackintosh.
Studiopepe a sorti de nombreuses nouveautés en 2020. On y reconnaît toutes les caractéristiques du style qui vous a rendu célèbre, à mi-chemin entre la nostalgie, le vintage et un futurisme parfois mystérieux et ésotérique qui lorgne sur la science-fiction. Qu’est-ce qui inspire votre esthétique si particulière ?
Chiara Di Pinto : Nous nous intéressons beaucoup aux formes — de la Grèce antique au modernisme, de l’art à la photographie — que nous essayons ensuite d’oublier afin de n’en garder que les archétypes.
Arianna Lelli Mami : L’inspiration se trouve partout dans le quotidien, on y voit ce qui fait écho à son propre bagage, à ce qui fait déjà partie de soi, il s’agit de rester réceptif et suivre son intuition. Nous discutons énormément avant de démarrer un projet, toujours avec un crayon et du papier sous le coude pour fixer les idées qui fusent. Ça nous plaît d’imaginer l’histoire et le scénario qui se cache derrière chaque objet, nos réflexions commencent d'ailleurs souvent par le titre.
Selon vous, quelles formes dépassent les modes ?
ALM : Les plus pures. Celles qui proviennent de la nature ou sont le résultat d'un « savoir de la main », nées de la pratique et de la répétition de gestes peaufinés au fil du temps.
Le Covid-19 a bousculé nos vies du jour au lendemain. Quels besoins pensez-vous que la pandémie a révélés et quels sont les solutions que le design peut apporter ?
CDP : Nous pouvons nous attendre à de gros changements en termes d’accessibilité, notamment des espaces publics. Le défi sera d’accompagner la transition le plus humainement possible. Il ne faut pas oublier que la situation est passagère et que nous allons finir par retourner à une nouvelle normalité. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura aucune conséquence. Les mesures « sans contact », par exemple, pourraient impacter en profondeur la façon dont nous employons ou partageons les objets. La maison apparait également sous un angle différent, celui d’un abri auquel nous accordons tous plus d’importance.
S’il ne fallait retenir qu’une pièce de votre nouvelle collection, quelle serait-celle qui représente ou répond le mieux à ces bouleversements ?
ALM : Peut-être FIVE TO NINE (pour Tacchini, ndlr.), un daybed conçu pour s’adapter à différentes configurations : canapé pour se détendre la journée et lit de secours pour la nuit. Vous pouvez aussi y ajouter un dossier et une table d’appoint, en fonction de vos envies ou des modifications de votre environnement.
Quelles tendances observez-vous en 2021 ?
CDP : Moins de choses, plus de sens ! Nous avons parfois l’impression que les designers font des objets juste pour être publiés, et ne tiennent pas compte des utilisateurs.
Dites-nous en plus sur DE-SIDERIO ?
CDP : DE-SIDERIO est un manifeste virtuel comprenant une vidéo d’introduction poétique et des contenus consacrés à nos productions. Dans cette période difficile, nous ressentions le besoin de poser des questions d’un autre ordre. Nous avons alors choisi de raconter le cheminement de nos créations en nous concentrant sur les mots « DESIDERIO » (désir en français, ndlr.) et « RECHERCHE ». Composé du préfixe latin de- , qui signifie littéralement « manque » et du mot sidus, « étoile », « desiderio » implique le vide et favorise la recherche passionnée. Le désir remue nos âmes, maintient notre vigilance et notre curiosité alertes, c’est une véritable pulsion de vie.
Pensez-vous que les expériences dématérialisées des événements en ligne pourraient mettre un terme aux grands salons du meuble tels que nous les connaissons ?
ALM : Comme souvent, la réponse se trouve au milieu. Les salons restent essentiels pour montrer des produits et rencontrer
des gens, partager un verre, un sourire. Néanmoins, nous devons reconsidérer le rôle des foires. Les conserver, oui, mais dans des versions plus légères qui éviteraient les grosses structures, les grosses dépenses et le gaspillage. À cet égard l’approche digitale peut aider, même s’il faut humaniser davantage la réalité virtuelle, la rendre attrayante et « animée ».
Quelles sont les nouveautés à venir en 2021?
CDP : Un hôtel, une maison privée, de nombreux projets de design et de direction artistique.
UNSEEN, Système de suspension LED Petite Friture
Texte : Corine Stübi
de : Maisons et Ambiances, numéro 01/21